Le régime canadien de congé de maternité profite largement aux familles et au reste du pays. Si un tel congé existe ici sous une forme ou une autre depuis 1971, il suffit de nous comparer à notre voisin du sud pour comprendre notre chance. Selon une récente fiche d’information du comité économique mixte américain, en plus de profiter aux familles et aux enfants, ce congé payé renforce l’économie en augmentant la capacité de gain et en diminuant le taux de chômage. Et les avantages pour les employeurs ne sont pas négligeables : productivité et engagement accrus, rétention des talents et diminution du coût de l’embauche de remplaçants.
Bref, le congé de maternité et le congé parental profitent à tout le monde. Il n’est quand même pas toujours facile de démêler vos obligations à l’égard d’une employée enceinte. En tant qu’employeur, quelles sont vos responsabilités? Que devez-vous faire une fois qu’une employée a déclaré sa grossesse? Que pouvez-vous faire (et ne pas faire) pendant qu’une personne est en congé? Et quelles sont vos obligations à l’égard d’une employée à son retour de congé de maternité?
Nous décomposerons le congé de maternité en trois phases – avant, pendant et après – pour expliquer vos obligations et les autres facteurs à prendre en compte.
1. Avant le congé de maternité
Votre employée vous annonce une grande nouvelle : elle est enceinte! Et maintenant?
Voici vos obligations.
- Confidentialité : sauf si l’employée a annoncé la nouvelle publiquement, sa déclaration doit être considérée comme confidentielle.
- Accommodements : selon le type de travail, des accommodements pourraient s’imposer pour assurer la santé et la sécurité de l’employée. En tant qu’employeur, vous êtes tenu de mettre en place ces accommodements pourvu que l’employée vous présente un billet de son médecin. Vous pouvez en apprendre plus sur ces accommodements ici.
- Absences pour rendez-vous médicaux : idéalement, l’employée prend ses rendez-vous en dehors des heures de travail. Or, ce n’est pas toujours possible. Les bureaux des médecins sont souvent ouverts aux heures normales, et n’offrent pas beaucoup de latitude aux patientes. Vous êtes tenu de la laisser s’absenter pour ses rendez-vous médicaux, mais la rémunération de ces absences dépend de vos politiques internes. Pour en savoir plus, lisez cet article de la Commission canadienne des droits de la personne.
- Milieu de travail sécuritaire : en plus de fournir les accommodements décrits plus haut, vous devez offrir un milieu de travail sécuritaire et exempt de harcèlement. Il est donc souhaitable de vérifier de temps à autre si votre employée fait l’objet de comportements hostiles, discriminatoires ou autrement importuns en lien avec sa grossesse. Pour savoir comment faire de la santé et de la sécurité au travail une priorité, lisez ce billet.
D’autres facteurs à prendre en compte.
- Charge de travail : qui assumera les tâches de votre employée pendant son congé? Il est temps de prévoir si les autres employés pourront se partager sa charge, ou s’il faudra embaucher un remplaçant. Une fois votre plan établi, mettez-le en œuvre dès que possible. La grossesse étant un état médical, des complications peuvent survenir. Vous devez être prêt au cas où votre employée commence son congé plus tôt que prévu.
- Tact : certaines personnes aiment parler de leur grossesse, d’autres, non. Posez donc des questions générales comme : « Comment ça va? », puis laissez votre employée diriger la conversation. Ne faites pas de commentaires sur son apparence : selon les circonstances, vous pourriez vous attirer des ennuis juridiques.
Ce qu’il ne faut PAS faire.
- Congédiement ou rétrogradation : vous ne pouvez pas congédier ou rétrograder une personne parce qu’elle est enceinte. Vous ne pouvez pas non plus le faire parce que sa grossesse nuit à sa capacité d’accomplir son travail. Dans ce cas, l’employée doit présenter un billet de son médecin. Vous prendrez ensuite les accommodements nécessaires. Si vous en êtes incapable, votre employée pourrait être admissible à un congé payé.
- Abolition du poste : vous ne pouvez pas abolir le poste d’une employée en raison de sa grossesse. Si vous devez éliminer son poste ou la congédier pour des raisons non liées à sa grossesse, il serait judicieux de consulter au préalable un avocat. Si l’employée juge que la mesure découle de sa grossesse, elle pourrait décider d’engager des poursuites.
- Obliger l’employée à prendre son congé à une date donnée.
2. Pendant le congé de maternité
Pendant le congé de maternité de votre employée, votre principale responsabilité consiste à préserver son travail.
Voici vos obligations.
- Préservation du poste : même si vous avez embauché temporairement un remplaçant qui convient mieux au rôle, ce dernier doit revenir à l’employée à son retour. S’il n’est plus disponible (parce qu’il a été aboli, et non qu’une autre personne l’occupe), vous devez proposer à l’employée un rôle comparable à la hauteur de son expertise, ainsi qu’un salaire et des avantages identiques ou supérieurs.
- Obligations contractuelles : si le contrat de travail prévoit des avantages additionnels pour les employés en congé de maternité ou parental, comme une indemnité supplémentaire ou une prolongation du congé, vous devez respecter ces obligations.
- Avantages sociaux : un employé en congé demeure votre employé. Il a donc droit aux mêmes avantages sociaux (assurances, vacances, congés de maladie, etc.) qu’avant son congé, pourvu qu’il continue de cotiser de la même manière au régime.
D’autres facteurs à prendre en compte.
- Santé de l’entreprise : la manière dont une entreprise compose avec l’absence d’employés est un signe de sa santé. Tout long congé a des répercussions, mais il ne devrait pas interrompre le cours normal des activités d’une entreprise saine. Considérez le congé d’un employé comme une occasion d’évaluer la santé de votre entreprise. S’il entraîne des difficultés, des problèmes ou des surcharges de travail considérables, voilà l’occasion d’identifier les maillons que votre équipe ou votre entreprise doit renforcer.
- Consignation des changements : pour faciliter le retour au travail, demandez à quelqu’un de consigner tous les changements majeurs aux procédures, aux politiques et à la structure organisationnelle pendant l’absence de l’employée.
Ce qu’il ne faut PAS faire.
- Congédiement, rétrogradation ou abolition du poste : répétons que vous ne pouvez pas congédier ou rétrograder une personne parce qu’elle est enceinte ou parce qu’elle prend un congé parental ou de maternité. Vous ne pouvez pas non plus abolir son poste. Vous pouvez toutefois congédier ou rétrograder une personne ou abolir son poste si la mesure n’a rien à voir avec la grossesse ou le congé, par exemple en raison de contraintes financières. Là aussi, vous avez intérêt à consulter un avocat qualifié avant de passer à l’action.
3. Après le congé de maternité
Souvenez-vous qu’à son retour de congé, l’employée retrouvera un milieu de travail considérablement changé. Soit quelqu’un a été embauché pour assumer ses fonctions, soit ses collègues se les sont partagées. Des changements se sont peut-être produits dans l’entreprise. Les objectifs organisationnels ou les indicateurs de rendement des employés ont sûrement évolué. Le rôle lui-même a pu changer. En plus, votre employée vient sûrement de laisser son enfant à la garderie pour la première fois. Attendez-vous donc à une période de transition pour l’employée et vous.
Voici vos obligations.
- Disponibilité de l’emploi : l’employée doit récupérer son poste à son retour. Comme nous l’avons dit plus tôt, si le rôle a été aboli pour des raisons non liées à la grossesse ou au congé de l’employée, vous devez prendre des mesures raisonnables pour lui offrir un poste comparable dans l’entreprise.
- Allaitement et expression du lait : si votre employée allaite à son retour au travail, la mise en place des accommodements nécessaires est recommandée; si vous êtes en Ontario ou en Colombie-Britannique, elle est même encadrée par la loi. Envisagez donc d’aménager pour votre employée un endroit convenable pour l’allaitement ou l’expression du lait, et de lui fournir des installations adéquates pour la conservation du lait.
- Absences pour rendez-vous médicaux : votre employée devra peut-être s’absenter pour les rendez-vous médicaux de son enfant. La grossesse et l’accouchement peuvent aussi entraîner des complications requérant une attention médicale. La rémunération de ces absences dépend de vos politiques internes, mais vous devez les autoriser dans une mesure raisonnable.
- Milieu de travail sécuritaire : vous devez continuer d’offrir à tous les employés un milieu de travail exempt de discrimination, notamment celle fondée sur le statut et les responsabilités de parent.
D’autres facteurs à prendre en compte.
- Transition : le retour au travail après un congé parental ou de maternité représente une transition majeure pour les parents et les enfants. Les employés doivent se mettre au fait des changements et des projets, et retrouver leur erre d’aller. Ils établissent aussi de nouvelles routines à la maison. En plus, beaucoup d’enfants attrapent une foule de virus et de maladies à leur première année de garderie, ce qui peut influencer la disponibilité et le niveau d’énergie des parents.
- Faites raisonnablement preuve de flexibilité et de compassion, et pas seulement au nom de la gentillesse : en appuyant vos employés durant cette transition, vous vous assurerez qu’ils continueront de mettre leurs compétences, leur savoir et leur expérience à profit dans leur poste.
Ce qu’il ne faut PAS faire.
- Congédiement, rétrogradation ou abolition du poste : oui, nous nous répétons encore. Ce n’est pas que vous ne pouvez pas le faire du tout : vous ne pouvez pas le faire en raison d’une grossesse, d’un congé de maternité ou des responsabilités parentales. Et si l’employée juge la mesure discriminatoire, elle peut entreprendre des poursuites. Prudence!
Si l’employée choisit de ne pas reprendre le travail
Il arrive qu’une employée choisisse de ne pas reprendre le travail après son congé de maternité ou qu’elle quitte son emploi pendant son congé. Elle peut avoir décidé de devenir mère au foyer, de trouver un autre emploi, ou de s’occuper de son enfant s’il a des besoins particuliers. Cette décision doit être traitée comme toute autre démission.
Sauf si les lois provinciales ou le contrat de travail l’exigent, l’employée n’est pas tenue de donner de préavis si elle ne compte pas reprendre son poste après son congé. Le pourcentage de mères de jeunes enfants réintégrant le marché de travail étant en hausse au Canada, les chances sont bonnes que votre employée reprenne son poste. Prévoyez toutefois un plan B au cas où.
Congés de maternité successifs
De nos jours, les congés de maternité successifs sont de plus en plus rares, surtout avec le taux de natalité en déclin. Or, une telle situation est possible. Les congés de maternité successifs sont protégés au Canada, et comme employeur, vous avez les mêmes obligations pour les deux grossesses.
La seule différence : l’employée ne sera peut-être pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pour le deuxième congé. Pour l’être, elle doit avoir cumulé au moins 600 heures d’emploi pendant une période définie. Les règles varient toutefois d’une province à l’autre. Par ailleurs, il revient à l’employée et non à l’employeur de traiter les prestations d’assurance-emploi.
Inspirez, expirez
Le départ d’une employée en congé de maternité peut vous causer du stress. Vous perdez après tout un membre important de votre équipe, dans lequel vous avez investi. Souvenez-vous qu’une personne qui se sent appuyée à toutes les étapes de sa vie par son employeur est plus susceptible de lui être loyale et de faire preuve d’engagement. Quand ils aiment leur milieu de travail, les gens ont tendance à s’investir beaucoup plus et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Un congé de maternité a une durée limitée. L’investissement dans le bien-être de vos employés, lui, rapportera à long terme.