L’importance des stratégies de fidélisation

Politiques de rétention

Que considérez-vous comme des politiques de rétention « traditionnelles », et comment ce paradigme est-il en train de changer?

Il y a certains principes traditionnels derrière les programmes de rétention, comme le cheminement professionnel et le développement du leadership, qui consistent à mener les employés vers des postes de supervision ou de gestion. Or, dans certaines industries – et c’est assurément le cas pour les secteurs des TI et de la technologie –, ces principes n’ont plus la cote. Chaque employé a des ambitions et des intérêts différents, alors les programmes classiques qu’on voudrait appliquer à toute l’entreprise ne sont plus aussi efficaces. Je crois qu’il faut se placer du point de vue des employés pour connaître leurs passions et leurs intérêts, comprendre ce qu’ils veulent accomplir dans les deux ou trois prochaines années et savoir ce qu’on peut faire, comme gestionnaire ou entreprise, pour qu’ils demeurent mobilisés.

Dans nos conversations avec les employés, le sujet de l’horaire revient toujours sur la table. Par conséquent, il est de plus en plus intégré à nos stratégies de rétention. Pour plusieurs entreprises, le 9 à 5 est chose du passé : elles offrent à leurs employés davantage de flexibilité et de contrôle par rapport à leur horaire. Par exemple, une entreprise pourrait demander à tous ses employés d’être disponibles entre 10 h et 15 h, mais leur permettre de travailler quand bon leur semble en dehors de cette plage. Que ce soit en les laissant arriver au bureau plus tard pour éviter le trafic ou prendre un peu de temps durant la journée pour faire des commissions ou aller s’entraîner, donner de la flexibilité aux employés est sans aucun doute un outil de rétention remarquable – et peu coûteux.

En outre, les entreprises sont de plus en plus ouvertes au télétravail. Les employés y voient une occasion de continuer à faire partie de l’équipe et de contribuer à des projets intéressants sans pour autant négliger leurs obligations familiales, se priver de voyager ou avoir à se déplacer pour le travail. Voilà qui change considérablement le quotidien de certains.

« Je crois qu’il faut se placer du point de vue des employés pour connaître leurs passions et leurs intérêts, comprendre ce qu’ils veulent accomplir dans les deux ou trois prochaines années et savoir ce qu’on peut faire, comme gestionnaire ou entreprise, pour qu’ils demeurent mobilisés. »

Créer un environnement de travail attirant est une autre technique de rétention fréquemment utilisée. Lorsque cette idée est évoquée, on tend à penser aux luxueux quartiers généraux de Google et de Facebook, mais d’autres entreprises réussissent – à plus petite échelle – à créer un milieu qui rappelle la maison. Tables de ping-pong, salles de jeu, garde-manger rempli de trucs à grignoter : on veut que même au bureau, les employés se sentent dans un endroit confortable.

Il faut également mettre de l’avant une culture d’entreprise inclusive et axée sur le soutien. Certaines personnes veulent parfois prendre une pause de leurs occupations principales et travailler sur d’autres tâches. En permettant à ses employés de se joindre à une autre équipe au sein de l’entreprise, de développer d’autres compétences et de collaborer à des projets qui les passionnent, on favorise la rétention : on répond directement au désir de variété des employés et on leur fait sentir qu’ils contribuent à des projets qu’ils ont eux-mêmes choisis.

Finalement, la reconnaissance est essentielle pour que les employés sentent que l’on apprécie leur travail. Cette reconnaissance peut se manifester de diverses façons : un simple merci, un montant d’argent ou d’autres récompenses intéressantes comme des billets pour une rencontre sportive ou une escapade en famille. Les moyens de souligner la contribution de vos employés ne manquent pas et ils sont toujours efficaces, peu importe celui que vous choisissez.

Si la rétention passe de plus en plus par des plans personnalisés, comment les professionnels des RH peuvent-ils faciliter cette transition?

Il faut d’abord s’assurer que la relation de travail sera positive pour les deux parties. Ainsi, dès l’étape de l’acquisition de talents, il faut évaluer l’adéquation au même titre que les habiletés et les compétences. Une fois le contrat signé, n’attendez pas la première journée de travail de l’employé pour établir un lien avec lui. Restez en contact; la communication est un outil puissant. Ensuite, veillez à ce que votre plan d’intégration soit efficace et nourrisse le désir de l’employé de travailler avec l’équipe. Et n’oubliez pas de l’adapter au poste : un plan standardisé ne risque guère de créer une bonne impression.

Les RH ont un rôle prépondérant à jouer dans le maintien de relations solides entre employés et gestionnaires; celles-ci seront essentielles au succès de la stratégie de rétention. Nous rappelons constamment aux gestionnaires que même s’ils sont occupés, ils doivent prendre des nouvelles de leurs employés. Savent-ils comment ils vont ou s’ils sont heureux? Grâce à ces interactions, les employés se sentent écoutés, et on établit dès le départ une stratégie de rétention payante.

Que pensez-vous de l’ajout de programmes de formation à une stratégie de rétention? Avez-vous remarqué que les employés sont de plus en plus à la recherche d’occasions de développer des compétences qui les aideront à embrasser plusieurs carrières?

Les programmes de formation sont toujours un facteur majeur de satisfaction et de rétention. Les employés veulent sentir que leur contribution est précieuse et qu’ils évoluent avec l’entreprise, et plusieurs employeurs comprennent qu’investir dans la formation rapporte : les employés feront profiter l’entreprise de leurs compétences nouvellement acquises, de leurs idées et de leurs innovations. Tout le monde y gagne.

D’après mon expérience, c’est particulièrement vrai dans le cas des milléniaux. Comme ils sont ouverts à de multiples carrières, il faut investir dans ce qui les intéresse pour pouvoir les garder. C’est pourquoi on voit davantage d’entreprises miser sur un budget de formation souple : les sommes prévues sont investies dans les occasions de perfectionnement choisies par les employés.

Télétravail

Faut-il tenir compte de l’âge dans une stratégie de rétention?

Absolument! Chaque génération voit le travail d’une manière différente. Bon nombre d’articles examinent d’ailleurs cette question intergénérationnelle et tous s’entendent pour dire qu’en milieu de travail, les différences existent et existeront toujours, peu importe ce qui définit chaque groupe d’âge. Il faut donc comprendre les préférences et l’éthique de travail de chacun, en tenir compte et s’adapter en conséquence.

« La reconnaissance est essentielle pour que les employés sentent que l’on apprécie leur travail. »
Parlons plus précisément du télétravail. Au cours de votre carrière, vous avez appuyé des bureaux aux États-Unis depuis Montréal. Comment faites-vous pour travailler à distance?

Les outils technologiques et la volonté de tous doivent être au rendez-vous. Il faut donc être proactif, car si vous n’êtes pas physiquement sur place, il y a beaucoup d’information à laquelle vous risquez de ne pas avoir immédiatement accès. En ressources humaines, on apprend énormément de choses en discutant autour de la machine à café ou pendant un 5 à 7; ça nous permet de prendre le pouls du bureau. Mais lorsqu’on n’est pas là, il faut aller chercher l’information pertinente, sinon on risque de l’avoir quand il sera trop tard pour agir.

Pour éviter de telles situations, il faut absolument communiquer, organiser des réunions régulièrement et s’assurer de rester bien informé.

Changeons de point de vue. Quels sont les défis auxquels pourrait être confrontée une entreprise qui met en œuvre un programme de télétravail?

Bien qu’il soit de plus en plus courant, le télétravail apporte son lot d’écueils. On ne peut toujours avoir l’œil sur ses employés et mesurer leur productivité. La communication peut également s’avérer problématique. En outre, l’atmosphère au bureau est différente : comme ce ne sont pas toujours les mêmes personnes qui s’y trouvent, ça peut être plus difficile de ne pas pouvoir côtoyer au quotidien les collègues qu’on aime. C’est pourquoi il est important d’établir des balises. Par exemple, une entreprise pourrait permettre à ses employés de travailler de la maison seulement s’ils n’ont pas de réunion. Il peut également être utile d’avoir des journées de télétravail déterminées ou un horaire rotatif. Enfin, il faut dès le départ s’assurer que les employés comprennent qu’ils doivent être joignables et connectés.

Compte tenu de votre expérience du travail à distance, quels sont selon vous les éléments nécessaires à un bon programme de télétravail?

D’abord, il doit y avoir adhésion à tous les échelons de l’entreprise. Il faut également renforcer l’idée qu’être à la maison, ça ne veut pas dire être déconnecté: les employés doivent être joignables et engagés. Tout le monde doit être à l’aise avec les défis de communication qu’engendre le fait que les employés ne seront pas tous au bureau. Pour certains, il est impensable de ne pas pouvoir se rendre au bureau d’un collègue ou de constater que celui-ci n'est pas présent physiquement à une réunion. Prenons l’exemple d’une séance de remue-méninges. Il y a des gestionnaires qui jugent que l’ambiance est très différente lorsque toute l’équipe est autour de la table : personne n’est distrait et cela favorise la créativité. La technologie peut toutefois pallier l’absence d’employés. Les logiciels de vidéoconférence peuvent réunir virtuellement des collègues et des outils comme Google Docs amènent une certaine fluidité et permettent aux équipes de travailler ensemble de manière plus efficace.

Donc, si vos employés sont aussi productifs à la maison qu’au bureau, c’est signe que votre programme fonctionne. Sinon, il faut en revoir les paramètres.

L’avenir

Quel est le rôle des programmes de rétention dans une stratégie organisationnelle? Est-ce un avantage concurrentiel?

Toutes les entreprises recherchent les meilleurs talents, alors il est crucial de retenir ceux qu’on a déjà. Ces employés connaissent l’entreprise et ses produits, en plus d’avoir contribué à son succès. C’est pourquoi les stratégies de rétention seront toujours importantes. Elles doivent cependant être adaptées à chaque employé. Nul besoin d’adopter des mesures extravagantes ou coûteuses. Nous avons évoqué les horaires flexibles, le télétravail, un milieu de travail confortable, la reconnaissance opportune : ce sont les petites choses qui transforment le cycle de vie d’un employé.

À quoi ressembleront ces programmes à l’avenir?

Je crois que les stratégies de rétention seront de plus en plus personnalisées. Nous adopterons des tactiques qui tiennent compte de ce qui motive les employés tout en respectant les valeurs de l’entreprise. Les formations sur le leadership et le perfectionnement existeront encore, mais nous verrons aussi apparaître d’autres approches créatives relativement aux avantages et aux politiques.

« Il faut […] renforcer l’idée qu’être à la maison, ça ne veut pas dire être déconnecté. »
Et à quoi ressembleront les stratégies de motivation? Qu’est-ce qui stimulera les employés de demain?

Les stratégies refléteront les tendances observables chez les prochaines générations. Cela dit, je ne crois pas qu’il y aura une recette secrète. Comme c’est déjà le cas, les entreprises devront d’assurer de bien comprendre leurs employés et d’adapter leurs stratégies de motivation en conséquence. En fin de compte, c’est le mélange des générations qui dictera de quoi auront l’air les futures stratégies de motivation.

Fabrice Prosper, MBA, CRHA, RH Senior – Amérique du Nord, Unity Technologies

Fabrice Prosper, MBA, CRHA

RH Senior – Amérique du Nord, Unity Technologies

Fabrice Prosper est actuellement responsable RH – Amérique du Nord pour l’entreprise montréalaise Unity Technologies. Ayant travaillé dans plusieurs secteurs ces 15 dernières années, il comprend l’importance de gagner la confiance du client à tous les échelons pour bâtir un véritable partenariat. Titulaire d’un baccalauréat en relations humaines et d’une maîtrise en administration des affaires, Fabrice est un membre actif de l’organisme CRHA Canada, qui représente les conseillers en ressources humaines agréés.

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Cet article est tiré du magazine Lead numéro 22. Vous aimez? Abonnez-vous pour ne rien manquer!

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