« Nous embauchons les meilleurs » : comment lever les obstacles systémiques qui entravent le parcours professionnel des femmes

Wyle Baoween
Président-directeur général et formateur principal, HRx

« Nous n’avons pas de préjugés : nous embauchons et promouvons les meilleurs. » Vous avez déjà entendu ce type d’affirmation? Si les décisions se fondent vraiment sur le mérite, pourquoi y a-t-il presque autant de PDG nommés John que de femmes, tous prénoms confondus, à la tête des sociétés du Fortune 500? Et pourquoi le taux d’avancement des femmes et des autres groupes sous-représentés est-il bien inférieur à celui des hommes?

La réponse est simple : les organisations ne sont pas aussi méritocrates qu’on aimerait le croire. Des partis pris inconscients et des obstacles systémiques compliquent la tâche aux groupes sous-représentés, dont les femmes. Les systèmes et les processus en place servent la culture patriarcale qui domine le monde des affaires depuis des centaines d’années. Intrinsèquement tendancieux, ces systèmes favorisent par défaut les hommes et pénalisent les femmes. Prenons, par exemple, les processus suivants :

Affichages de poste : Les femmes et les hommes répondent différemment aux affichages de poste. Selon une recherche menée à l’interne par la compagnie HP, les hommes, au contraire des femmes, postulent à un emploi même s’ils ne répondent pas à tous les critères.

Promotions : Dans la plupart des cas, le processus de promotion est hautement subjectif et considérablement influencé par la perception d’une corrélation négative entre amabilité et compétence, qui pénalise les femmes de caractère en position d’autorité.

Salaire : Le processus de négociation salariale désavantage les femmes. Dans le cadre d’une étude où les participants ont négocié leur salaire en lisant le même script, les employeurs ont défavorisé considérablement les femmes par rapport aux hommes.

En prenant conscience de ces obstacles et des nombreux autres avec lesquels les femmes doivent composer, on peut conclure que dans bien des cas, ce n’est pas le « meilleur » candidat qui est récompensé, mais celui que le système favorise.

 

HRx est une société canadienne qui fournit des services de consultation, de formation et d’analyse aux entreprises voulant accroître leur diversité et leur cohésion. Nous mettons notre expertise de la diversité et de l’inclusion au service de certains des plus grands employeurs du Canada, surtout dans les secteurs traditionnellement masculins, comme ceux des technologies et des ressources. Ces organisations considèrent HRx comme un prolongement de leur équipe. À ce titre, nous les voyons souvent commettre les mêmes faux pas qui compromettent leur capacité de faire tomber les préjugés systémiques pour apporter des changements concrets et durables. En voici quelques exemples :

1. Passer à l’action sans réfléchir

L’une des erreurs que les organisations font le plus souvent, c’est de passer à l’action sans avoir bien compris le problème. À la suite d’une formation sur les préjugés inconscients, par exemple, ces entreprises mettent tout de suite en place des programmes pour aider les femmes, sans prendre le temps de recueillir des données, d’écouter leurs employées et de comprendre les obstacles et les occasions qu’elles rencontrent.

2. Copier-coller les initiatives

Une autre erreur que font les entreprises, c’est d’appliquer les initiatives d’autres organisations ou des pratiques exemplaires présentées pendant une conférence, et de s’attendre aux mêmes résultats. Le problème : chaque organisation a une culture et des défis qui lui sont propres. Les entreprises ne suivent pas toutes le même cheminement, et si elles se contentent de reprendre des initiatives sans réfléchir à la façon de les adapter à leur réalité, elles ne parviendront pas à opérer un changement durable.

3. Cumuler les initiatives

Dernier point, mais certainement pas le moindre : les organisations ont souvent tendance à s’emballer et à tenter de régler trop de problèmes à la fois. L’intention est bonne, mais il est rare que des initiatives ponctuelles et non coordonnées suffisent à entraîner un changement. Elles peuvent aussi mobiliser d’importantes ressources, ce qui, quand on veut rallier les gens, n’a rien de bien convaincant.

équipe féminine inclus

Au sein des organisations qui ont réussi à repenser leurs processus et leurs systèmes, les données ont joué un rôle fondamental. Les données quantitatives (associées au recrutement, aux promotions, à la rétention et au salaire) révèlent les obstacles à la diversité présents au sein de l’organisation. Les données qualitatives (les expériences et les commentaires des gens recueillis lors d’entrevues et de consultations) permettent de comprendre pourquoi ces obstacles existent. Ces deux types de données sont essentiels pour planifier et opérer des changements systémiques.

Si votre entreprise recueille ces données au début de son projet de promotion de la diversité et de l’inclusion, elle en retirera de nombreux avantages, dont voici quelques exemples :

1. Appui de la direction

Les données jettent la base d’une analyse solide et fondée sur des preuves qui fera ressortir les problèmes. Face à une telle analyse, les sceptiques pourront difficilement remettre en question la présence d’inégalités entre les sexes.

2. Approche précise et coordonnée

Les données mettent au jour les problèmes les plus pressants. Elles peuvent par exemple nous aider à cerner un problème de recrutement, en révélant si les femmes ne postulent pas ou si elles ne passent pas le stade de l’entrevue. Le même principe s’applique aux autres processus, comme l’avancement et le salaire.

3. Maximisation des ressources

Les données nous aident à concentrer nos efforts sur les aspects qui auront le plus grand impact. Les organisations qui n’ont pas les moyens de se doter d’une équipe de diversité et d’inclusion (plus de 90 % d’entre elles) y gagneront particulièrement.

4. Suivi des progrès

Les données recueillies donnent aux organisations un point de comparaison pour évaluer leurs progrès et rajuster le tir au besoin. Au sein des entreprises où une longue période de discussion sur l’équité ne donne pas de résultats visibles, les employés perdent parfois confiance en la volonté de la direction de faire avancer la diversité et l’inclusion.

Tous ceux qui ouvrent la voie vers l’équité entre les sexes doivent remettre en question la mentalité « nous embauchons les meilleurs » et réfléchir à l’équité des systèmes qui les entourent. Ils doivent comprendre que la façon la plus efficace et durable de corriger les inégalités est d’apporter des changements systémiques, et que le point de départ pour y arriver, c’est de recueillir des données.

Cet article est tiré d’une allocution donnée lors de la conférence We for She, qui a eu lieu à Vancouver en novembre 2018.

Wyle Baoween, Président-directeur général et formateur principal, HRx

Wyle Baoween

Président-directeur général et formateur principal, HRx

Wyle aide des cadres, des dirigeants et leurs équipes à bâtir des organisations diversifiées et inclusives.

À titre de président-directeur général de HRx, Wyle a travaillé auprès de certains des plus grands employeurs du Canada. Il est également considéré comme l’un des maîtres à penser de la diversité et de l’inclusion au pays en raison des solutions qu’il a élaborées et améliorées, dont une technologie évaluant les préjugés inconscients, une courbe du changement de culture, et des outils d’analyse de données.

Ingénieur et titulaire d’une maîtrise en administration des affaires, Wyle est également un professionnel de la gestion de projet agréé. Il est en outre président du comité pour le leadership des femmes de la Chambre de commerce de Vancouver et ambassadeur de l’école de commerce de l’Université de Victoria.

HRx | LinkedIn

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Cet article est tiré du magazine Lead numéro 23. Vous aimez? Abonnez-vous pour ne rien manquer!

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