Cet article a initialement été publié dans le blogue #FutuHReInsight du Groupe Adecco.
La pandémie a mis à l’épreuve les capacités de travail à distance des organisations du monde entier, n’épargnant pratiquement aucune fonction, y compris la formation et le perfectionnement. L’apprentissage virtuel est sans contredit un mode de perfectionnement flexible et peu coûteux, mais convient-il à tous les employés, les programmes de formation et les secteurs?
L’apprentissage est l’un des modèles de formation en milieu de travail les plus efficaces. Populaire auprès des jeunes qui ne souhaitent pas faire d’études supérieures, cette formule comprend des cours magistraux, une formation en cours d’emploi, une évaluation liée au développement et une démonstration des compétences pratiques. Depuis le début de la pandémie, les volets théoriques et pratiques se déroulent en ligne, ce qui comporte des avantages et d’importants inconvénients.
Apprentissage virtuel
À la maison, l’apprenti peut se concentrer sur ses projets ou portefeuilles, recueillir des pièces justificatives pour son évaluation finale et suivre des formations en ligne pour perfectionner ses connaissances techniques.
Dans des secteurs comme les technologies, l’administration des affaires et le marketing numérique, la transition s’est faite plutôt en douceur. Apprenti, un fournisseur américain de programmes d’apprentissage technologique, est passé à l’éducation en ligne et collabore avec les entreprises pour aider les apprentis à poursuivre leur formation en cours d’emploi à distance.
Par contre, dans des industries comme la construction et la fabrication, il est quasi impossible d’offrir un apprentissage complètement virtuel en raison de la nature pratique du travail. Les problèmes surgissent quand vient le temps de vérifier les compétences et les connaissances, surtout dans les secteurs nécessitant une démonstration pratique des compétences, comme la menuiserie et l’aménagement paysager.
Les défis de l’évaluation en personne
Le fournisseur de services routiers Electrical Testing Ltd (ETL) offre aussi une formation en électricité, y compris des programmes d’apprentissage, à d’autres entreprises. Pour que son centre de formation demeure en activité pendant la pandémie, il a commencé à donner des cours en ligne sur Google Classroom. Mais comme l’explique le gestionnaire du centre, Carl Green, ce ne sera jamais qu’une mesure temporaire.
« L’évaluation en personne du certificat technique est une exigence de l’industrie, précise-t-il. De plus, 80 % du cours, notamment les évaluations de niveaux 2 et 3 à l’aide de machines d’usine et d’instruments d’essai électrique, se donne en présentiel. Les programmes ne pourront donc jamais être complètement virtuels. »
L’apprentissage est essentiel au développement des compétences, de la compétitivité et de l’économie de tous les pays, aussi bien en Europe, qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis. Le système d’apprentissage phare de la Suisse est devenu une pépinière de talents pour les entreprises du pays. Il y a quelques années, les Suisses ont lancé le concept d’apprentissage à distance d’un métier, qui permet aux apprentis d’acquérir une expérience à l’étranger et de se connecter à une classe virtuelle à leur retour. Il n’est pas inconcevable que les technologies modernes de réalité virtuelle et augmentée soient utilisées pour reproduire un lieu de travail et effectuer une démonstration et une évaluation virtuelles.
Cela dit, certains experts insistent sur le fait que l’apprentissage uniquement en ligne aura une incidence sur les compétences sociales, la confiance en soi et la conscience impersonnelle des apprentis. Selon Amanda Rosewarne, directrice générale du CPD Standards Office : « Les gens peuvent apprendre les aspects techniques, l’histoire et le contexte d’un domaine, mais s’ils n’ont pas la chance d’appliquer leurs nouvelles compétences dans un cadre professionnel et social constructif, ils éprouveront des difficultés. »
Hausse du chômage chez les jeunes
Par ailleurs, l’impact économique de la COVID-19 sur le chômage et l’apprentissage chez les jeunes suscite beaucoup plus d’inquiétude. Une enquête de l’Institute of Student Employers révèle que 23 % des employeurs coupent dans leurs programmes d’apprentissage et pour sortants scolaires en raison de la pandémie. Selon l’Institute for Fiscal Studies (IFS), les employés de moins de 25 ans sont deux fois et demie plus susceptibles que les autres de travailler dans un secteur qui est actuellement fermé.
« Le chômage chez les jeunes sera élevé pendant quelque temps, car beaucoup d’entreprises abandonnent leurs programmes d’apprentissage ou ne recrutent pas de nouveaux apprentis en raison de la récession imminente, ajoute Amanda Rosewarne. Il est primordial que les employeurs maintiennent leurs programmes pour faire rouler l’économie. »
Les étudiants repensent aussi leur plan de carrière. Une étude montre que près de 30 % d’entre eux songent à prendre une année sabbatique; de ce nombre, 53 % souhaitent trouver un emploi ou un stage, tandis que 19 % comptent en profiter pour suivre des cours en ligne. Les programmes d’apprentissage et les stages traditionnels qui intègrent la formation et le perfectionnement virtuels pourraient devenir le prochain pôle d’attraction des talents. Des géants des services financiers comme Credit Suisse, Deutsche Bank, Goldman Sachs et JPMorgan offrent d’ailleurs des stages virtuels pour recruter les talents dont ils ont besoin pour prospérer après la pandémie.
Approche personnalisée
La réussite de ces programmes virtuels en milieu de travail dépendra de la qualité du volet en ligne. Une consultation sur la gestion de l’apprentissage pendant la pandémie, menée par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, révèle diverses approches allant de la simple communication à l’accès à des ressources multimédia, en passant par l’enseignement.
De toute évidence, les industries ne peuvent pas toutes passer à un programme entièrement en ligne, mais la modularisation accélérée de l’apprentissage virtuel pendant la pandémie pourrait contribuer à rendre la formation en milieu de travail plus inclusive.
« L’apprentissage est de plus en plus fragmenté en cette ère où l’adaptabilité est indispensable, et les plateformes éducatives permettent aux apprenants d’assimiler facilement la matière n’importe où, n’importe quand, explique Simon Tindall, responsable des compétences et de l’innovation à l’Open University. La formation est maintenant offerte selon les besoins des employés, ce qui pourrait contribuer à en démocratiser l’accès. »
Création de nouveaux bassins de talents
Les gens apprennent aussi à des rythmes différents, dans le cadre de programmes adaptés aux aptitudes, aux besoins et aux circonstances de chacun plutôt qu’à la moyenne de la classe, ce qui ouvre la voie à l’apprentissage personnalisé, etc. Les chercheurs d’emploi en milieu de carrière pourront ainsi accéder plus facilement à des stages et à d’autres programmes de formation professionnelle, ce qui aidera les entreprises à consolider les compétences de leur main-d’œuvre en se préparant à la reprise économique.
À l’ère post-COVID, le télétravail étant susceptible de demeurer la norme pendant un certain temps, les entreprises et les fournisseurs de formation devront adapter les programmes, le matériel et le mode de prestation. Certains éléments sont prêts à être migrés en ligne, tandis que d’autres nécessiteront un peu d’imagination et la bonne technologie.
Même si la pandémie a poussé bon nombre d’entre nous à être créatifs, les sphères du travail ne peuvent pas toutes passer en mode virtuel. Dans certaines industries et pour certains postes, rien ne peut remplacer l’expérience en personne et la mise en pratique des compétences.