En mars 2020, presque toutes les conversations professionnelles portaient sur l’urgence d’organiser le télétravail. Dans certaines entreprises, toutefois, l’équipe virtuelle faisait déjà partie du quotidien. Or voilà qu’il nous faut maintenant envisager l’avenir et l’implantation durable du travail à distance. Ryan Rex résume pour nous ce que nous enseignent les équipes de projet virtuelles aguerries.
Bien avant que la pandémie ne pousse les organisations vers le télétravail, les innovations technologiques et le développement des capacités d’impartition orientaient déjà les entreprises vers une présence internationale accrue et le travail en équipes virtuelles. Depuis plus de vingt ans, de vastes projets technologiques sont réalisés grâce à des équipes hybrides, éloignées géographiquement, mais la récente poussée des logiciels de réunion virtuelle renforce la collaboration et permet de veiller en continu à la gestion des relations.
De fait, la rapidité des progrès techniques, l’apparition de nouveaux modèles d’affaires et le passage des valeurs générationnelles de la stabilisation à la perturbation (Twenge, 2017) forcent les organisations à s’adapter très vite pour rester concurrentielles. Le terme VUCA [de l’anglais volatility, uncertainty, complexity et ambiguity, soit changement, incertitude, complexité et ambiguïté] (Bennis et coll., 1987), entré dans le vocabulaire courant, décrit l’environnement actuel des organisations. Le McKinsey Global Institute prévoit qu’à long terme, 18 à 26 % des travailleurs des économies avancées travailleront à la maison de 3 à 5 jours par semaine; autrement dit, le travail en équipes hybrides virtuelles ne va pas disparaître.
Bien que la COVID-19 ait forcé la plupart des organisations à doter leur personnel d’outils de télétravail, le travail virtuel a néanmoins, sur le travail présentiel, des avantages que les employeurs chercheront à exploiter : accessibilité accrue au bassin mondial de talents, réduction des dépenses liées aux déplacements, besoins moindres en espaces de bureau et gains de productivité grâce à la répartition du travail sur plusieurs fuseaux horaires.
Gouvernance
- Communiquez rapidement et fréquemment la raison d’être du projet (vision) et les avantages que l’organisation veut en tirer. Mobilisez les membres de l’équipe autour de l’objectif commun et aidez-les à comprendre en quoi leur travail contribue à la réussite du projet.
- Précisez les structures de gouvernance et de gestion du projet, afin que les responsables soient connus, les rôles et les responsabilités compris et les voies d’escalade établies.
- Déterminez des heures de travail communes pour que les diverses équipes puissent se réunir, et fixez rapidement la date des rencontres de suivi pour que chaque équipe puisse établir ses priorités.
Technologie

- Choisissez une plateforme de communication commune pour les personnes et les entreprises (p. ex., Zoom ou Microsoft Teams) et veillez à ce que tous les partenaires aient accès à un même environnement. Aussi, vu que l’impossibilité de communiquer en temps réel peut retarder l’ensemble du projet, causer de la frustration et ralentir le processus décisionnel, la vidéoconférence et la messagerie instantanée sont tout aussi importantes pour les interactions planifiées et spontanées. Attention toutefois de ne pas « surcollaborer »; collaboration ne signifie pas nécessairement progrès et souvent, les membres d’une équipe ont besoin de temps à eux pour se concentrer sur leur propre portion du projet.
- Faites connaître à tous les partenaires les disponibilités de chaque membre de l’équipe pour éviter les conflits d’horaire.
- Choisissez les bons moyens de surveiller la productivité. Il est nécessaire de faire état de l’avancement du travail et de respecter la planification, mais la surveillance excessive peut miner la confiance des contributeurs à l’égard des responsables du projet. Certains outils entraînent une certaine lourdeur administrative et tiennent davantage de big brother que d’un instrument de progrès. Mettez l’accent sur les résultats et l’accomplissement des tâches et laissez les responsables du projet évaluer et améliorer l’efficacité de chaque employé.
- Fixez pour chacun des exigences techniques minimales et veillez à ce qu’elles soient satisfaites en temps opportun. Comme le télétravail se fait généralement à domicile, les individus doivent veiller à ce que la connexion Internet, le nombre d’écrans et même les qualités ergonomiques de leur bureau et de leur chaise composent un aménagement propice à la productivité. Dans certains cas, les responsables du projet pourraient fournir au télétravailleur des moyens pour s’assurer que son aménagement répond aux exigences de son poste.
Culture
- Soyez conscient de la possible coexistence, au sein d’une équipe hybride, de microcultures différentes, qui dépendent de la nature de l’organisation ou de son emplacement géographique et qui peuvent influer sur la communication entre les membres de même que sur les politiques relatives aux congés, aux heures de travail et aux heures supplémentaires. En tenant compte de ces différences, vous favoriserez un climat d’acceptation propice à l’adhésion au projet et à la productivité des contributeurs.
- N’oubliez pas d’intégrer à votre stratégie de gestion des activités visant à améliorer la cohésion et l’efficacité de l’équipe virtuelle, qui doit planifier ses communications de manière plus délibérée. La mobilisation du plus grand nombre dès le début de la collaboration permet aux membres de l’équipe de mieux se connaître, ce qui peut faciliter la communication et la création de relations de travail plus saines.
- Humanisez les membres de l’équipe. Outre les activités de consolidation d’équipe, envisagez de ne demander l’ouverture des caméras que pour certaines réunions ou à certaines heures, afin de laisser une certaine latitude aux personnes qui préfèrent garder leur caméra fermée la plupart du temps, tout en permettant aux collaborateurs de se voir et de créer les liens nécessaires à la résolution des conflits.
- Trop d’imprévisibilité dans la réalisation du projet nuit à la confiance, à la clarté et à la capacité de réagir aux changements d’environnement, en plus d’entraîner un gaspillage de ressources et de temps. Déterminez la fréquence des réunions, des rapports et des communications pour créer une culture favorable à la gestion et à la satisfaction des attentes des membres de l’équipe.
- Accordez une attention particulière aux équipes dont certains membres travaillent en présentiel tandis que les autres participent de manière virtuelle. Il est particulièrement important que les personnes qui se trouvent en un même endroit physique préservent le temps de parole de celles qui participent aux réunions par téléphone ou de manière virtuelle. Le fait de partager visuellement avec elles les présentations (sur tableau blanc, par exemple) et les documents créés par les collègues réunis dans un espace physique favorisera l’inclusion et l’efficacité de toutes les ressources.
Le mieux est de planifier ces éléments avant de composer l’équipe pour assurer une intégration structurée, montrer aux participants qu’ils seront soutenus et augmenter les chances de réussite.
Références
1 Twenge, Jean M. (2017). iGen: Why Today's Super-Connected Kids Are Growing Up Less Rebellious, More Tolerant, Less Happy – and Completely Unprepared for Adulthood – and What That Means for the Rest of Us [Génération Internet : comment les écrans rendent nos ados immatures et déprimés], 1re éd., New York, Atria Books, 352 p.
2 Bennis, Warren, et Burt Nanus (1985). Leaders: Strategies for Taking Charge [Diriger : les secrets des meilleurs leaders], New York, Harper Business, 256 p.
3 Lund, S. et coll. (2020). What’s Next for Remote Work. An Analysis of 2000 Tasks, 800 Jobs and Nine Countries, [En ligne], McKinsey. [https://www.mckinsey.com/featured-insights/future-of-work/whats-next-for-remote-work-an-analysis-of-2000-tasks-800-jobs-and-nine-countries].
À propos de l’auteur
Ryan Rex, PMP, MBA
Ryan Rex, associé chez CROS Consulting et titulaire d’un MBA de l’Université de Calgary, fait actuellement des études de doctorat sur les styles de leadership et leurs effets sur le bien-être des employés. Il a développé une expertise en transformation organisationnelle d’envergure au sein de grandes entreprises, autant comme consultant que comme dirigeant à l’interne.